Sport = motivation + plaisir
Les deux pilliers de toute activité sportive sont la motivation et le plaisir. Dans des proportions propres à chacun, certes.
La motivation,
ou plutot les motivations, regroupent une vaste panoplie de "raisons" ou
d' "envies" de nager.
Mental
aussi, car si le bien-être de glisser dans l'eau passe par le corps
(c'est une forme de sensualité entre nous et l'élément
liquide originel, ami, protecteur, nourricier et réparateur), il
se répercute également dans notre esprit.
Nager
fait du bien à la tête autant qu'au corps, et c'est la synthèse
des deux qui crée cette alchimie si précieuse, et que les
non-nageurs ne peuvent s'imaginer.
Les
facettes de la performance
He
non, désolé si j'en décoit certains, mais performance
ne rime pas forcément avec chronomètre ! Si vous en êtes
persuadé, il vous reste un long chemin à parcourir sur les
routes de la pédagogie et de l'enseignement.
La
performance en effet doit être envisagée sous de multiples
aspects : d'une manière "brute", c'est à dire hors d'un contexte
précis, elle n'a aucune valeur car ne peut fournir aucun repère.
La
notion de contexte et de repère est fondamentale, car elle permet
de situer la performance réalisée et de la mesurer. Il m'a
été donné de travailler dans deux contextes principaux
: par rapport à soi-même, et par rapport aux autres.
La première performance est par rapport à soi-même
Le
contexte du nageur par rapport à lui-même situe la notion
de progression : une performance peut alors être appréciée
s'il y a progrès dans les réalisations sportives. Peut importe
alors que le compétiteur arrive dernier de sa série, s'il
améliore sa propre performance.
Par
expérience, cette notion n'est pas évidente à faire
passer aux enfants, et elle constitue un profond et progressif travail
psychologique : le jeune nageur doit d'abord être satisfait de sa
performance par rapport à lui-même et pour lui-même,
avant de vouloir la situer par rapport aux autres.
L'inverse
est également vrai: gagner une série en arrivant premier
peut être vu comme valorisant au premier abord, mais si l'enfant
a "mal" nagé, n'a pas appliqué les recommandations de l'entraineur,
n'a pas réalisé une bonne application technique, et donc
n'a pas progressé ni en style ni en glisse ni en technique ni en
puissance ... il doit relativiser la portée de sa "victoire". Dans
de tels cas d'ailleurs, le chronomètre est assez clair également,
et va rarement à l'encontre du bilan de l'entraineur.
Tous
les enseignants de la Natation savent bien qu'on n'apprend pas toujours
durant les courses les plus rapides; l'expérience d'un nageur et
sa progression passent par de multiples autres paramètres (apprendre
à préparer sa course, à bien la controler, à
gérer son stress, etc...).
Lorsque
suffisament d'étapes importantes de la progression personnelle sont
franchies, les temps "tombent" d'eux-même.
A
l'inverse, les phases de pseudo stagnation des chronomètres doivent
être gérées comme un tout et sont parfois normales
: l'acquisition au sens large n'est pas un processus linéaire.
Les autres : l'échelle environnementale
L'instinct de l'homme, dès ses premières années, est de se comparer aux autres. Ceci lui permet de se jauger lui-même, de se positionner par rapport à la concurrence qu'il rencontre dans son environnement. C'est vrai dans la vie en général, même si l'on n'aborde ici que le contexte sportif.
Le but du sport de compétition est réduit ici, et depuis les calendes greques, à un primaire et basique objectif : battre l'autre, nager plus vite que celui d'à côté. Les premières courses aquatiques sont nées d'un tel élan, sauvage et pur, sélectif et terriblement simple : faire mieux que l'autre.
Si
cet aspect est moteur dans la motivation des jeunes nageurs, et si l'entraineur
peut tout à fait en utiliser la philosophie, son travail doit également
relativiser cette instinctive course en avant par les notions de positionnement.
Comme
il n'y a qu'un seul premier, il y a beaucoup de non-premiers , et il faut
apprendre à se situer par rapport aux autres et à être
satisfait de sa performance, même si l'on n'est pas le premier. Certains
trouverons ceci peut-être philosophiquement démagogique, mais
il me parait important d'apprendre aux sportifs à être satisfaits
et heureux, sans être les champions du monde !
N'oublions
pas que le contexte d'une performance influence également beaucoup
la performance en elle-même : les mêmes nageurs dans un contexte
différent (bassin, atmosphère, altitude, piscine, état
physique et mental, gestion de la fatigue et de la récupération,
alimentation, ...) une heure plus tard peuvent donner des arrivées
également très différentes.
La
multitude de facteurs qui doivent tous être positionnés idéalement
pour réaliser une bonne performance atteste de la diversité
des composantes.
Objectif ou résultat ?
Si
le travail d'entrainement s'ébauche, se calcule, se plannifie avec
des objectifs en vue (on ne dresse pas un plan d'entrainement à
l'aveugle), la performance ne doit pas être présentée
comme unique objectif, mais plutot comme résultat du travail fournit.
Nager
à haute dose avec comme unique motivation la promesse de réaliser
telle ou telle performance semble un pari dangereux, et à très
court terme de toute manière : n'oublions pas que la Natation est
un sport que l'on peut pratiquer durant toute sa vie, et il arrive vite
un stade ou l'on sait très bien que les performances ne pourront
plus etre améliorées indéfiniement : reste alors des
decennies de Natation plaisir dont il ne faut surtout pas se priver, pour
toutes les autres très nombreuses et très bonnes raisons
que les performances.
Course = performance ?
Ici
aussi, et ce sera ma conclusion, il faut bien différencier la notion
de course et celle de performance : la seconde n'est pas obligatoirement
l'unique ingrédient de la première. Avoir l'esprit de compétition,
s'est apprendre à se faire plaisir en se mesurant aux autres, en
relativisant les notions de performances personnelles et environnementales.
L'exemple
des compétitions d'adultes (les masters) en est une excellente démonstration
: on peut s'amuser énormément à faire la course entre
sportifs, même dans la tranche des 65 ans et plus, et en retirer
beaucoup de plaisir sans braquer un regard inquiet et implorant au chronomètre
dès le bord d'arrivée atteint.
Un autre type d'exemple peut être donné avec les prises de performance personnelles et individuelles : si le cadre des compétitions est nécessaire pour toute validation de performance, un bon résultat à l'entrainement ou lors d'une prise de temps officieuse est tout aussi valorisant.
A chacun donc sa notion de la performance, bonne nage à tous...
(source: Nager)