Si l’homme veut changer quelque chose dans sa personnalité, il doit tout d’abord s’en remettre à lui-même, car il est le principal acteur de ce changement. Il doit aussi se connaître suffisamment pour en arriver à cibler aisément ce qu’il veut changer en lui. À cet effet,:« l’enfant ne saurait guère être pour lui qu’un collaborateur inconscient...» (p73 Essais de psychologie sportive) d’où l’importance d’un bon encadrement pédagogique qui sera en mesure d’aider le jeune à prendre conscience de lui-même pour, éventuellement, prendre conscience de tout ce qui l’entoure.
L'une des grandes vertues du sport pour les jeunes est justement d'offrir un support précieux pour permettre à l'enfant de se connaitre, de se définir par rapport à ses propres limites et par rapport aux autres. C'est donc tout un processus d'élaboration mentale, technique et physique qui doit etre mené par l'entraineur...
Et
si à ce niveau la pédagogie développée pour
les adultes semble bien différente de celle appliquée aux
enfants, ceci n'est qu'à moitié vrai : dans le cadre de l'apprentissage
d'un sport, l'encadrement est indispensable, même si les procédés
varient suivant les publics.
Le jeu... jusqu'à un certain point
Un
bon éducateur physique, devrait être en mesure de savoir utiliser
les forces et les faiblesses de chaque individu afin d’établir un
équilibre entre ces deux composantes. Ceci veut donc dire qu’il
ne faudrait,en aucun cas, pousser le jeune aux frontières de ses
limites personnelles, sans quoi le jeu perdrait tout son aspect ludique.
Comme l’ont démontré, les recherches de Piaget, le jeu occupe
une place importante dans le développement intégral de la
personne. Une des menaces de l’activité physique compétitive,
réside dans l’habitude qu’ont les jeunes à se comparer entre
eux ce qui suscite à la fois l’admiration et l’envie de surpasser
l’autre.
Pousser
le jeune dans un excès, quel qu’il soit, c’est mettre en jeu ses
propres qualités physiques. À cet effet, Pierre de Coubertin
nous disait:«employer tous les moyens propres à développer
les qualités physiques-conserver ces qualités en s’abstenant
de tout ce qui pourrait les dégrader.» (P 100 Essais de psychologie
sportive).
Alors, ne jamais forcer, et ne pas chercher à se confronter ? Ce serai nier un aspect important de la pratique sportive ! Mais tout tient dans la signification que l'on donne justement à la notion de "confrontation". Tout est question de maturité et de préparation : faire la course avec les petits copains (et non pas contre les petits copains) reste très motivant pour l'enfant, tant que cette "course" est encadrée, que les règles sont bien établies et expliquées, et que cela demeure dans le cercle du jeu.
La
confrontation peut plus tard prendre bien plus d'ampleur (et donc d'importance
aux yeux des protagonistes) lorsque maturité physique et mentale
il y a : nous sommes alors dans l'univers du sport de compétition,
avec ses règles, ses lois, ses joies et ses larmes. Mais là
au moins, l'impact psychologique peut etre maitrisé, et l'encadrement
de l'équipe (entraineur, préparateur physique, masseur, préparateur
mental, etc...) reste primordial : l'athlète de haut niveau, pour
parler des extrêmes de la chaine sportive, n'est jamais seul dans
ses performances, même s'il pratique un sport dit "individuel".
L’activité physique régulière tend à améliorer la santé générale du jeune dans la prévention ou le traitement de certains problèmes de santé comme, par exemple, l’asthme et le diabète et ce , tout en stimulant sa croissance physique. Elle aide également au développement psychologique et social de l’enfant en le mettant dans des situations qui sont nouvelles pour lui (ex: jeux collectifs) et dans lesquelles il devra faire preuve d’imagination pour les résoudre.
«Le sport peut favoriser le développement de l’estime de soi et de la confiance en soi chez les enfants... Le sport permet aussi de se tailler une place et d’être accepté par ses pairs. Les enfants sont acceptés par leurs semblables lorsqu’ils excellent dans la pratique d’activités que valorisent les autres enfants.» (Parlons franchement des enfants et du sport P 3) Le sport étant reconnu comme important dans le développement de l’enfant, le jeune qui parvient à se démarquer de la masse par ses exploits est admiré de tous. À cet effet, les jeunes qui réussissent bien dans un sport, semblent être mieux acceptés par leurs pairs et inversement.
Si
les bienfaits de l'activité physique ne sont plus à démontrer,
nous sommes ici encore entre jeu et sport : le piège de l'élitisme
et de la vénération de celui qui y arrive mieux car il a
de plus grandes capacités doit etre évité à
tout prix.
Tout
d'abord parce que cela induit un déséquilibre au sein du
groupe, que le jeux a justement pour but de souder (adhérer ensemble
à un même but, tendre vers un même objectif au travers
de l'effort). L'esprit d'équipe enseigne le respect.
Ensuite
parce que les "aptitudes" physiques dépendent de notre capital corporel
et ne sont pas équitables : juger les individus sur ce critère
uniquement est dangereux au sein de la plasticité intellectuelle
de l'enfant.
Les enfants et le succès
Demandez aux jeunes ce que représente pour eux le succès sportif et vous obtiendrez des réponses aussi variées qu’il y a de jeunes qui pratiquent un sport. Les réponses qu’ils donneront, varieront en fonction de l’âge, du sexe et du sport qu’ils pratiquent.
Les enfants n’ont pas tendance à nécessairement relier le succès à la victoire. Souvent, juste le fait d’avoir franchit leurs limites personnelles est satisfaisant pour eux.
Dans
un article publié dans la revue “ Coaching Children in Sport “ et
cité dans Parlons franchement du sport et des enfants, l’auteur
nous dit: “Les jeunes enfants cherchent bien plus à maîtriser
leur environnement et à acquérir des aptitudes qu’à
vaincre les autres, du moins jusqu’à ce qu’on leur dise qu’ils doivent
gagner.” ( Parlons franchement des enfants et du sport P 5)
Les critères de performance établis par le professeur ont
pour effet de catégoriser les jeunes. Les meilleurs continueront
de performer alors que les autres auront vite fait de se décourager
et de perdre tout intérêt pour l’activité en cours.
Ici
se situe le dilemme entre le repèrage des futurs champions et l'éveil
au sport de masse : bien entendu que l'encadrement doivt etre apte à
dénicher les éléments ayant un fort potentiel, mais
cela ne doit pas se faire au détriment de l'ensemble des participants;
en clair, l'épanouissement de chacun doit pouvoir s'effectuer harmonieusement,
et alors certains apparaitrons tous naturellement comme sortant du lot.
C'est dans cette phase qu'il ne faut pas en jouer, ni pour les valoriser,
ni pour dévaluer les autres.
La curiosité d'abord
L’enfant
de 1ère année du primaire commence à peine à
comparer ses capacités à faire telle ou telle chose. C’est
surtout par curiosité de savoir si tous sont capables de faire comme
lui. Tout ce que les autres ne réussissent pas à faire, lui
apparaît difficile. C’est à travers le jugement des autres
enfants que le jeune réalisera qu’il a fait des progrès ou
non.
Bien qu’il existe plusieures raisons pour lesquelles un jeune fait du sport, il s’y adonne principalement pour s’amuser, pour améliorer sa technique, pour relever un défi personnel ou tout simplement pour faire comme les autres. Il n’est nullement fait mention de l’aspect compétitif de la chose. D’un autre côté, les raisons pour lesquelles il abandonne un sport sont principalement reliées au fait qu’il n’a plus d’intérêt, la pression exercée sur lui est trop forte, ses amis ont, eux aussi, quittés ou tout simplement parce qu’il n’éprouve plus de plaisir à participer à cette activité.
La compétition sportive est un milieu où la performance prime bien trop souvent sur la satisfaction personnelle de l’athlète et c’est sans doute pour cette raison que les jeunes ne persistent pas. Pour un jeune, jouer dans une équipe perdante ou gagnante, importe peu. Pour lui, l’important c’est de participer et non de gagner. «... la fierté du travail bien fait (ou fait de son mieux) et la joie de l’effort accompli sont des moteurs bien suffisants pour l’enfant, et combien plus éducatifs ! » (P 49 L’éducation par le jeu) .
Optique
compétitive = motivation ? Oui, très certainement pour certains,
mais ce ne doit pas alors etre l'unique motivation, car elle n'est
que superficielle, et ne prend pas en compte l'élément essentiel
et la première source de motivation : soi-même.
Ce que peuvent faire les parents et les entraîneurs pour que le sport et la victoire ne prennent pas des proportions démesurées.
La défaite ou la victoire, pour un enfant, a plus ou moins d’importance. Ce qu’il veut avant tout, c’est de jouer et d’avoir du plaisir contrairement à l’adulte qui, souvent, tient absolument à ce que le jeune soit vainqueur. Pour Geoff Gowan, ancien président de l’Association des entraîneurs, le simple fait de donner la chance aux jeunes d’expérimenter plusieurs sports est bénéfique.”Ceci réduit la pression et apprend aux jeunes que la participation est l’essence même du sport.” (Parlons franchement des enfants et du sports P 19)).
Cette
manière de voir les choses, devrait être la même pour
les éducateurs physiques et ce, indépendamment du fait qu’ils
évoluent dans le milieu scolaire ou communautaire. C’est le développement
intégral de la personne que l’éducation physique doit chercher
à accomplir.
Le stress, l’enfant et la compétition.
Le stress qu’engendre la compétition sportive est surtout relié à l’estime qu’on porte au jeune. Il peut ou non être capable de gérer ce stress. S’il se rend compte que l’amour qu’on lui porte dépend de la qualité de ses rendements et de ses performances, il y aura fort à parier que ceci amènera une trop grande situation de stress qui peut conduire le jeune jusqu’à l’abandon.
Des
recherches ont démontrées que le simple fait de ne pas se
sentir à la hauteur de la tâche à accomplir représente
une situation stressante et difficile à vivre pour le jeune. L’angoisse
ressentie avant, pendant et après une compétition, est un
motif raisonnable qui peut amener le jeune à abandonner la pratique
d’un sport. Encore ici, le rôle de l’éducateur est important
en ce sens qu’il doit, le plus possible, éliminer tout aspect compétitif
de l’activité en cours afin que la participation des jeunes soit
optimale.
Si
l’enseignant tient absolument à inclure l’aspect compétitif
dans ses cours, il doit surtout le faire dans l’optique d’amener le jeune
à atteindre des objectifs qui sont à sa hauteur. Ces
objectifs lui seront utiles à lui et non à la collectivité
comme c’est souvent le cas .
En
complément à ce raisonnement qui est la base de tout enseignant
sportif lorsqu'il s'adresse à un public jeune, ajoutons (et ce n'est
pas contradictoire) que le cadre de la compétition, s'il est bien
préparé et bien amené, et s'il reste dans de faibles
proportions, permet à l'enfant d'apprendre à gérer
sa peur, et à la maitriser le mieux possible à défaut
de la dominer ou de la faire disparaitre totalement : il aura dans sa vie
à gérer bien plus d'une fois de telles situations, pas forcément
autour d'un bassin cette fois, mais dans sa vie affective, professionnelle,
etc... Savoir gérer son stress ne peut etre que bénéfique
si l'apprentissage est encadré et professionnel.
Le jeu permet aux jeunes de s’évader dans un monde imaginaire où ils sont maîtres. «Ils y trouvent toutes les consolations et tous les succès glorieux; ils se placent en imagination dans des circonstances extra-ordinairement difficiles dont ils parviennent à se tirer, grâce à la force, l’habileté, la ruse... et l’audace qu’ils n’ont pas».(P 44 L’éducation par le jeu) . Pour Caillois, le jeu ludique est en soit l’activité libre par excellence étant donné qu’il fait appel à la motivation intrinsèque du jeune.
Cette
motivation intrinsèque peut, selon Vallerand et Blais, se diviser
en trois volets :
À l’opposé des sports régis par des règles strictes, le jeu ludique permet au jeune de se sortir de ce monde tangible, de s’évader dans un monde fictif qu’il peut diriger à sa guise. C’est également à travers ses jeux (souvent de rôles) , qu’il en arrive à se forger une identité, à expérimenter de nouvelles choses, à s’épanouir. «L’enfant joue pour explorer diverses fonctions et facultés corporelles et mentales qui émergent consécutivement en lui».(M.Buhler in La place du jeu dans l’éducation P 3)
Contrairement
à l’adulte qui vit dans et pour le travail, l’enfant,lui, vit dans
le jeu, car il est associé au plaisir. C’est à travers le
jeu que l’enfant nourrit son désir et son plaisir à apprendre
de nouvelles choses.
Pour
garder son intérêt dans le sport, son temps d’engagement moteur
doit être maximisé et le tout doit lui être présenté
comme étant un jeu et non comme une obligation, car c’est à
partir du moment où le jeune n’a plus de plaisir à jouer
qu’il perd tout intérêt pour le sport.
«Le jeu est un auxiliaire précieux pour l’éducateur» (P65 Jeux éducatifs) Le jeu ludique étant plus libre que le sport réglementé, car il permet au jeune de s’exprimer plus facilement, il donne à l’éducateur physique le moyen de faire progresser l’enfant dans son développement physiologique, intellectuel (observation, attention, mémoire, imagination...) et moral (respect des règles, des autres joueurs,honnêteté, reconnaître la supériorité de l’autre...). L’enfant fournit un effort et souvent, sans qu’il s’en rende compte, comparativement à une discipline sportive plus définit.
Dans
le but de faire disparaître toutes les formes compétitives
trop immatures ou mal vécues, l’éducateur physique
devrait préconiser davantage, dans un premier temps entout cas,
le sport-loisir où le joueur est plus libre de ses faits et gestes.
Conclusion
Le jeu doit répondre à plusieurs fonctions essentielles chez le jeune. En le laissant jouer librement, en n’ayant pas besoin de tenir compte des limites habituellement imposées par le sport, le jeune pourra explorer de nouvelles façons de faire. Il mettra son imagination à profit alors que dans le sport traditionnel, il doit sans cesse se plier à un système d’enjeux et de contraintes qui le régisse.
L'activité
sportive est une merveilleuse forme d'éveil chez le jeune : elle
accompagne son auto-évaluation, et son évolution sous toutes
ses formes, car bien encadré, le jeu mène à beaucoup
de belles choses, et permet d'aborder le monde du sport sans s'en rendre
compte. Le point commun ? le plaisir.
Bibliographie
-Association canadienne des entraîneurs, Parlons franchement des enfants et du sport, Éd. de l’homme, Montréal, 1997.
-Coubertin, Pierre de, Essais de psychologie sportive, Coll.”Mémoires du corps”, Éd.Jérôme Million,Grenoble, 1992.
-Grandmont, Nicole de, Le jeu ludique, Éd. Logiques,1995
-Jacquin, G.Y , L’éducation par le jeu, Paris , Fleurus, 1954
-Jeu,
Bernard, Analyse du sport, Éd. Presses Universitaire de France,Paris,
1987.