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Au
centre de nombreuses discussions de scientifiques et d’entraîneurs,
les lactates restent souvent méconnus du plus grand nombre. Voici
quelques bases pour mieux appréhender le sujet.
Lors de son serment olympique, le baron Pierre de Courbertin était certainement loin de se douter qu'un jour la science attribuerait aux lactates un rôle biologique dans l'établissement d'une performance et que sur le terrain, dès la fin de la compétition, les sportifs seraient soumis aux fameuses prises de lactate. On a attribué à ce dernier, encore connu sous le nom d'acide lactique, des rôles controversés. Il a souvent été considéré comme un poison musculaire et sanguin plus ou moins impliqué dans les processus de fatigue. Cette théorie a été, au cours de ces dernières années, revue et corrigée donnant un rôle déterminant aux lactates dans l'évaluation de la performance. C'est devenu un excellent indicateur d'aptitude lors des efforts intenses. Mais que sont donc ces fameux lactates ? |
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Les
lactates sont formés à partir de la dégradation du
glucose (source d'énergie, dans le muscle en condition anaérobie,
c'est à dire lorsque la quantité d'oxygène apportée
par le sang au muscle est insuffisante ou que la consommation d'oxygène
est élevée. C'est ce qui se produit lors des exercices intenses
de plus ou moins courte durée.
Comment se forment les lactates ? Lors d'un 25 m nage libre, la performance, en général moins de 11 s, reflète la capacité à utiliser les réserves immédiatement disponibles, essentiellement la phosphocréatine, et ne fait intervenir les lactates que faiblement. Les réserves de phosphocréatine sont très vite épuisées. Le recours à d'autres sources d'énergie pour pouvoir poursuivre la nage ou l'exercice est donc nécessaire. Lors d'un effort intense l'apport en oxygène est insuffisant et il se forme alors du lactate, produit de dégradation du glycogène (polymère du glucose). Le lactate musculaire ainsi produit traverse la cellule musculaire pour être véhiculé par le sang vers d'autres organes (foie) ou simplement vers des fibres musculaires aérobies. Pendant ou à la fin de l'exercice, il est ensuite transformé en gaz carbonique et eau pour donner de l'énergie aérobie sous forme d'ATP = adénosine triphosphate. Si le nageur n'a pas un apport en oxygène suffisant pour transformer le lactate, celui-ci s'accumule, provoque une acidification du milieu et engendre des douleurs musculaire. La meilleure méthode pour faciliter la diffusion du lactate et aussi de favoriser son élimination consiste à faire un exercice de faible intensité, à allure spontanée, pendant 10 à 20 mn. Un débit cardiaque supérieur à celui du repos permet l'épuration du lactate musculaire par l'oxygène circulant. |
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Lactate
et performance
Au repos, le taux de lactates sanguins est compris entre 1 et 2 mM. Lorsque l'intensité de l'exercice augmente, le taux d'acide lactique augmente. Il existe une valeur seuil de 4 mM correspondant au seuil d'accumulation du lactate sanguin. C'est la valeur au delà de laquelle, si l'exercice est poursuivi, le sujet accumule des lactates sanguins plus rapidement sans pouvoir les éliminer. La quantité de lactate sanguin croit alors très rapidement par diffusion du lactate provenant des muscles sollicités. La production de lactate témoigne de la glycolyse anaérobie, autrement dit d'une capacité à dégrader le glucose en présence ou absence d'oxygène. Cela permet de connaître l'aptitude physiologique anaérobie d'un nageur lors d'un 50 ou d'un 100 crawl (exercice légèrement inférieur à 1 mn). Le lactate est donc le reflet biologique de la performance lors d'un effort intense. Le taux de lactate maximal est atteint lorsque la vitesse de nage est maximale. Il est proportionnel à la vitesse de nage pour un nageur, une distance et un moment donné (Chatard et Paulin - 1985 - Revue “Nage”). Quand produit-on beaucoup de lactate ? D'abord sur le 400 4 nages, où tous les muscles sont sollicités. Puis sur 400 NL. Pour donner une ordre d'idée de la durée de cette course, le record du monde est détenu par l'Australien, Ian Thorpe, en 3' 40''17. Ensuite c'est le 200 m 4 nages, puis les 200 m en général (en nage libre, le record du monde est détenu par Ian Thorpe, 1'41''10 en petit bassin et 1'44"06 en grand bassin). Interpréter une performance Un exemple est donné à partir de l'étude publiée par JC. Chatard et M. Paulin, entraîneur du recordman olympique, Thomas Farhner. Cet exemple concerne les résultats de Thierry Pata, ancien champion de France du 200 brasse. Les performances réalisées en compétitions sont associés aux taux de lactates. 1983 2' 23" 17,5 mM 1984 2' 19''6 22,2 mM Les performances augmentent en même temps que les taux de lactates. Donc, plus le taux de lactate est élevé plus il améliore son temps. À l'entraînement, la mesure des taux de lactates permet de quantifier la part relative du travail anaérobie en comparant la valeur mesurée à celle observée en compétition. On peut donc ainsi améliorer la spécificité de l'entraînement en choisissant des exercices produisant des lactates élevés. |
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La
prise de lactate
Elle se pratique tout de suite après l'arrêt de l'exercice, à l'extrémité du doigt ou à l'oreille. Les nouvelles techniques de dosage permettent de connaître instantanément la quantité de lactate présente dans le sang. Les accutests donnent une réponse rapide grâce à des bandelettes imprégnées d'enzyme transformant le lactate en pyruvate. Le courant généré par cette transformation est proportionnel à la quantité de lactate. Ces mesures sont fiables mais onéreuses (15 F par mesure). En pratique, les prises de lactate sont donc effectuées dès la fin de la compétition quand cela est possible, séance d'autographe oblige. Facteurs de variation
Le lactate n'est pas en soit un indicateur de fatigue. En revanche, la comparaison des lactates avec le niveau de performance peut permettre de détecter un état de surentraînement. Quand un sujet est surentraîné, il a du mal à réaliser un exercice maximal, les lactates sont donc bas. Inversement, un sujet en forme produira beaucoup de lactate et une bonne performance. L'interprétation d'une lactatémie basse est cependant délicate. En effet, l'entraînement purement aérobie produit une baisse des lactates et le sujet n'est pas pour autant fatigué. Inversement, au retour des vacances, les lactates sont hauts alors que les nageurs ne sont pas encore très entraînés ... Il faut donc toujours replacer les mesures dans leur contexte avant de les interpréter. |