Vous avez déjà
tout compris au titre ? bravo. Si ce n'est pas le cas, ce n'est pas grave,
le site NAGER va décrypter pour vous cette étude de l'iuf
Grenoble, et la commenter en langage clair.
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Voyons
tout d'abord le vocabulaire, et parlons un peu de la "rupture de coordination"
: la coordination d'une nage est l'ensemble des techniques qui permettent
une unité des mouvements et donc une efficacité du nageur.
Un crawl bien coordonné offre un rendement optimal entre l'énergie
dépensée et l'avancement.
La rupture de coordination correspond à un "dérèglement" de cette belle mécanique. A quoi cela peut-il être du ? A l'augmentation de la fatigue, à une baisse d'attention ou de concentration du nageur, ou bien tout simplement à une diminution de sa tonicité et de sa force motrice. En d'autres termes, à l'augmentation d'un facteur global appelé "la résistance". Comment simuler cette résistance ? Avec un élastique ! En effet, si l'on attache le nageur-test à un élastique et que l'autre bout de l'élastique est attaché au bord de la piscine (vous aviez deviné, car le but n'est pas de tester une nouvelle forme de ski nautique), on peut obtenir ainsi une simulation d'augmentation de la résistance à la nage : en clair, plus l'élastique va se tendre (5 étapes de tensions ou 5 "paliers" ont été définis dans l'étude), plus la résistance sera grande (et plus le nageur-test aura du mal à avancer). Et c'est là justement ce que l'on recherche... |
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Voici
le cadre de l'expérience en place. Mais quel est le but de celle-ci
? Pour chaque pallier d'augmentation de la résistance, on va observer
les paramètres de nage en crawl, et de déduire leur comportement
au fur et à mesure. On pourra par exemple en déduire lequel
se détériore en premier, lequel reste stable le plus longtemps,
etc... Les points faibles seront alors aisés à identifier,
et à travailler.
Et chez vous, quand c'est "de plus en plus dur", quel est le premier point qui flanche ? |
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La
performance en natation est déterminée par l’augmentation
des forces propulsives et la diminution des résistances à
l’avancement. Le type de nage ou la distance de compétition déterminent
ce compromis.
En crawl, les adaptations techniques peuvent être caractérisées : par une gestion différenciée du rapport fréquence/amplitude (Pelayo et al, 1996) et par une modification de la coordination passant du rattrapé à vitesse lente, à une superposition des actions motrices à vitesse rapide (Chollet et al, 2000). La nage attachée reste un moyen d’évaluation de la technique. La force moyenne maximale du nageur retenu est corrélée à la vitesse de nage (Sidney et al, 1996 ; Yeater et al, 1981) et les patterns EMG sont similaires à la nage libre (Bollens et al, 1988). Les études sur la force ne portent que sur une distance donnée ne permettant d’expliquer les modifications de coordination (Rouard et al, 1996 ; Schleihauf et al, 1986 ). L’approche dynamique permet d’analyser l’évolution des coordinations dans le temps afin d’identifier les paramètres d’ordre résumant la coordination et leurs transitions. Soit le pattern de coordination est assez flexible pour que le sujet conserve le même attracteur, soit il devient instable au vue des contraintes et bifurque spontanément vers un autre attracteur (Haken et al, 1985). Il s’agit de vérifier
si l’index de coordination (Chollet et al, 2000) correspond au paramètre
d’ordre, puis d’analyser les transitions de coordination de bras chez des
experts en crawl lorsqu’on accroît les résistances à
l’avancement en nage attachée.
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Cinq
sujets de niveau national ont participé à l'expérimentation.
Leurs caractéristiques moyennes sont les suivantes: la taille :
180 ±13 cm; le poids : 74,6 ±7,4 kg; l'âge : 18,6 ±3,4
ans; 58,64 ±8,86 s au 100m crawl, et une force maximale sur l’élastique
dynamométrique de 14,2 ±4,7 kg.
Le nageur est relié à un élastique équipé d’un dynamomètre et d'un enrouleur qui impose en continu 5 paliers de résistances croissantes de 50% à 90% de la force maximale du nageur, la durée totale du test n’excède pas 1min, et celle d’un cycle de bras 2s. Il nage sur place 5 cycles de bras pour chaque palier. Deux caméras vidéo (25Hz) permettent de synchroniser deux vues latérales : extérieure et sous-marine. Des capteurs de force à membrane Honeywell transmettent la pression exercée par la main sur l’eau à un ordinateur toutes les 40ms. Les variables analysées sont l’index de coordination (IDC en %) indiquant le décalage de phase d’un bras sur l’autre à partir de la durée des phases propulsives (Chollet et al, 2000), la durée des phases motrices pour chaque bras (Bg, Bd) exprimée en % du cycle total (prise d’appui, PA ; traction, T ; poussée, P ; retour, R), la propulsion globale, la fréquence gestuelle instantanée (F en cycles.min¯¹) prise sur les 3 cycles centraux, les deux pics de force maximale pour chaque bras (PF1et PF2) et sur le rapport (Schleihauf et al, 1986) afin de préciser si la courbe de force est unimodale ou bimodale. La mise en évidence
des effets de résistance est opérée grâce à
une ANOVA à 3 facteurs (sujets, paliers, cycles) complétée
par un test de Tuckey post-hoc. Des analyses de régression pas à
pas modélisent les liaisons. Le seuil retenu est de 0,05.
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Des
différences entre sujets existent (p<0,05) et aucun regroupement
n’est possible car l’adaptation aux résistances à l’avancement
est individuelle, tant au niveau cinématique que cinétique.
Il existe un effet palier sur toutes les variables cinématiques
(fig1 et 2). Avec l’incrémentation des résistances à
l’avancement, des augmentations significatives sont enregistrées
: de l'IDC (de –2,3% à 1,64%) ; de la fréquence (de 29,57
à 40,63 cycles.min¯¹) ; de la durée de la propulsion
(traction+poussée) durant un cycle.
Cependant le test
de Tukey souligne une rupture entre les paliers 1, 2, 3 d’une part et les
paliers 4 et 5 d’autre part au niveau de l'IDC et de la propulsion (p<0,05).
D’un point de vue dynamique, la coordination semble évoluer non-linéairement en présentant deux états attracteurs : les paliers 1, 2, 3 correspondent à une coordination en rattrapé, les paliers 4, 5 montrent une opposition de phases. Ces résultats sont en accord avec Chollet et al, (2000) confirmant qu’IDC agit comme paramètre d’ordre. La transition au palier 3 souligne que le pattern en rattrapé est stable jusqu’à cette limite. Au delà, l’accroissement de la fréquence ne suffit plus pour s’adapter, et si ils continuent, les sujets bifurquent vers un pattern en opposition de phases. Une analyse discriminante indique que la fréquence est le principal facteur explicatif de l’adaptation aux résistances (R2=70,3% p<0,05) et agit comme paramètre de contrôle ; les autres paramètres étant IDC (R2=9,8% p<0,05) et la propulsion (R2=7,3% p<0,05). L’absence d'un effet palier témoigne d'une grande robustesse de la force. Il existe une variabilité inter-sujet caractérisée notamment par des asymétries au niveau de la durée des phases propulsives et des courbes de forces (unimodales vs bimodales). Ainsi chaque sujet s’adapte de façon spécifique à l’accroissement des résistances à l’avancement, tant au niveau cinématique que cinétique. Ceci montre que l’évaluation
de la coordination et de la force par la nage attachée peut avoir
une application clinique pour l’entraîneur afin de diagnostiquer
un apprentissage individualisé chez les experts.
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Voyons
ce que nous pouvons déduire du premier schéma : la propulsion
ainsi que la fréquence restent très cohérent avec
l'accroissement de la résistance. Les mouvement augmentent en amplitude,
et la phase prolulsive se fait plus efficace et plus puissante.
Le second schéma
montre que l'indice de coordination subit un "palier" stable autour du
palier 3, puis reprend son ascension. Avant le point "zéro", le
rattrapé de bras fonctionne bien. Au delà, cette technique
n'est plus applicable.
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Source :
iuf Grenoble - http://www.ujf-grenoble.fr/ufraps/acaps/Actes/Poster/Seiffert.pdf
Ces recherches ont été exposées à l'ACAPS Valence 2001
Références :
BOLLENS
E., ANNEMANS L., VAES W., CLARYS JP. (1988) Swimming and Science V, 173-181
CHOLLET
D., CHALIES S., CHATARD JC. (2000) International Journal of Sports Medicine,
21, 54-59
HAKEN
H., KELSO JAS., BUNZ H. (1985) Biological Cybernetics, 51, 347-356
PELAYO
P., SIDNEY M., KHERIF T., CHOLLET D., TOURNY C. (1996) Journal of applied
biomechanics, 12, 197-206
ROUARD
AH., SCHLEIHAUF RE., TROUP JP. (1996) Biomechanics and Medicine in Swimming
VII, 35-44
SCHLEIHAUF
RE., HIGGINS JR., HINRICKS R., LUEDTKE D., MAGLISCHO CW., MAGLISCHO EW.,
THAYER A. (1986) The New
Zealand
Journal of Sports Medicine, 14, (1), 6-12
SIDNEY
M., PELAYO P., ROBERT A. (1996) Journal of Human Movement Studies, 31,
1-12
YEATER
RA., MARTIN RB., WHITE MK., GIBSON KH. (1981) Journal of Biomechanics,
14, 8, 527-537